Amman, Tel-Aviv (envoyée spéciale)
Son arrivée, lundi 11 mai, en Israël, ouvre l’étape la plus politique du voyage de Benoît XVI dans la région. Devant le président Shimon Pérès et le premier ministre Benyamin Nétanyahou, venus l’accueillir à l’aéroport de Tel-Aviv, le pape a déclaré qu’il venait “prier pour la paix”, estimant que les chrétiens pouvaient apporter “une contribution particulière à la fin des hostilités”.
Abordant d’emblée le conflit israélo-palestinien, Benoît XVI a défendu “la recherche d’une juste solution” incluant “un pays pour chacun (des deux peuples) dans des frontières sûres et internationalement reconnues”. Il a plaidé pour le “respect de la liberté et de la dignité de tout être humain”.
Avant sa visite au Mémorial de Yad Vashem, lundi après-midi, où il doit rendre hommage “à la mémoire des 6 millions de juifs victimes de la Shoah” et prier “pour que l’humanité ne soit plus jamais témoin d’un crime d’une telle ampleur”, Benoît XVI a redit combien “l’antisémitisme est inacceptable”.
Lors de son pèlerinage sur les traces de Moïse au mont Nebo, en Jordanie, samedi, le pape avait aussi laissé entrevoir l’un des thèmes de son séjour en Israël : “La réconciliation des chrétiens et des juifs.” Un vaste et sensible programme, tout aussi vaste que le chantier auquel Benoît XVI s’est attelé durant son étape jordanienne : la promotion du dialogue avec les musulmans.
Ce sujet a acquis au Vatican une importance grandissante et imprévue après les tensions créées par le discours du pape à Ratisbonne en septembre 2006, dans lequel il semblait établir un lien entre islam et violence. Accueilli à la grande mosquée d’Amman par le prince Ghazi, conseiller du roi pour les affaires religieuses, le pape a repris le thème de cette conférence controversée, évoquant de nouveau les violences commises au nom de la religion et rappelant “le bien” que l’humanité pouvait tirer, “en référence à la foi, du vaste potentiel de la raison humaine“.
Moins professoral et plus conciliant, il a infléchi son discours. “Ne convient-il pas de reconnaître que c’est souvent la manipulation idéologique de la religion, parfois à des fins politiques, qui est le vrai catalyseur des tensions et des divisions et, parfois même, des violences dans la société ?” s’est-il demandé avant d’associer cette fois les musulmans aux chrétiens pour qu’ils soient “connus et reconnus comme des adorateurs de Dieu, fidèles à la prière”. Le porte-parole du Vatican a admis que, “ depuis Ratisbonne, le pape avait effectué un cheminement”. Il n’est pas certain qu’il suffise à réconcilier la rue musulmane avec le pape, même si, au nom des musulmans, le prince Ghazi l’a remercié pour les “regrets” exprimés après Ratisbonne. Interlocuteur exigeant, le prince a tenu à souligner que “ceux qui ne connaissent pas l’arabe ou le Coran, ou qui ne comprennent pas le contexte culturel et historique de la vie du Prophète sont responsables des tensions historiques et culturelles entre chrétiens et musulmans”.
“De toute façon, quoi qu’il dise, le pape restera incompris des musulmans”, jugeait, dimanche, Alwar, un chrétien jordanien venu assister à la messe, célébrée au stade d’Amman par Benoît XVI. Devant une assistance deux fois moins fournie qu’annoncée (20 000 personnes, dont plusieurs milliers de Libanais, de Syriens, d’Irakiens et de fidèles de la diaspora), le pape a pourtant appelé les chrétiens d’Orient à “construire de nouveaux ponts pour rendre possible la rencontre fructueuse des personnes de religions et de cultures différentes”. Il a loué le “courage” que requiert “la fidélité à (leurs) racines chrétiennes” et a tenu à les “encourager dans la foi”.
Tout au long de ses discours, Benoît XVI a assigné à la communauté chrétienne, “profondément touchée par les difficultés et les incertitudes qui affectent tous les peuples du Moyen-Orient”, un rôle précis ; “oeuvrer à la réconciliation et à la paix à travers le pardon et la générosité”. Il a aussi souhaité que les chrétiens deviennent “les bâtisseurs d’une société juste et pacifique”. A Bethléem, en Cisjordanie, et à Nazareth en Israël, le pape aura l’occasion de répéter l’importance, à ses yeux, de la présence chrétienne dans la région.